Le célibat, entre attente et espérance

Le célibat qui se prolonge est souvent vécu comme une souffrance intime. Comment s’épanouir lorsque notre vocation profonde n’est pas accomplie ? Comment vivre le désir, le temps et l’attente ?

PAR CLAIRE DE SAINT LAGER – PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE MEYER

Toute souffrance est un mystère et une injustice. Celle du célibat qui se prolonge en est une. En effet, « il n’est pas bon que l’homme soit seul », nous sommes faits pour l’alliance, le don et la relation. L’indélicatesse actuelle consiste à vouloir nier ou minimiser cette souffrance ou à ne regarder que du côté de la solution. Là où les célibataires ont avant tout besoin d’être entendus dans leur désir et leur souffrance, non pas comme des victimes, mais comme des êtres faits pour aimer et être aimés se heurtant à la douleur du manque et de l’absence. Ce n’est que lorsque l’on regarde le célibat comme un mystère et un manque réels, qu’un chemin peut se dessiner de façon singulière pour faire de ce temps un temps de rencontre avec soi, de fécondité, de guérison et de libération en vue de l’alliance, entre abandon et espérance.

LA PROFONDEUR DU DÉSIR

L’attente creuse, émonde, laboure intérieurement, l’attente transforme… Elle renvoie toujours à la profondeur de notre désir, mais aussi à nos limites, à notre pauvreté, à l’impossibilité de s’emparer par la volonté d’un bien juste et bon comme celui de se marier et de fonder une famille. Dans l’attente, on expérimente que tout don se reçoit et que l’autre n’est jamais un dû ou le fruit de mes projections ; l’objet qui viendra combler mes manques ou répondre à mes besoins. L’autre est radicalement autre mais aussi don de Dieu. Ceux qui expérimentent le manque, l’absence et l’attente en demeurant ouverts et disponibles, apprennent profondément à aimer.

VIVRE LE TEMPS

L’attente nous oblige à changer notre rapport au temps, à ne plus seulement le considérer comme une sentence cruelle ou quelque chose qui nous échappe, mais comme un don, car « Dieu fait toute chose bonne en son temps » (Qo 3, 11). Vivre le temps, cela consiste à se défaire de nos tenta- tions de maîtriser, calculer, contrôler, échafauder des plans. Dieu n’agit pas comme un magicien mais bien comme un jardinier qui attend avec patience que germe la semence. Notre humanité a besoin de temps pour guérir, pour croître, pour se déployer, pour vivre le pardon, pour se donner et pour aimer. Vivre le temps de Dieu, c’est donc vivre le temps comme une grâce, avec cette cer- titude que Dieu agit mystérieusement dedans. En effet, « espérer ce que nous ne voyons pas c’est l’attendre avec persévérance » (Rm 8, 25). Vivre le temps, c’est aussi apprendre à être heureux et se laisser aimer dans le présent.

MARCHER AVEC LE SEIGNEUR

Le célibat est un temps pour approfondir l’alliance avec Dieu et l’alliance avec soi-même. C’est une école de liberté, un temps pour se libérer du regard des autres, des sentiments négatifs, des mauvais conseils, des projections de notre milieu. Le bonheur n’attend pas la vie de couple, il se choisit et s’épanouit dans le présent. On se découvre peu à peu, unique, singulier, objet d’un amour de prédilection de la part de Dieu. On apprend à déceler Sa présence dans le quotidien, Son langage d’amour singulier, que ce soit en créant, en contemplant la beauté, en vivant l’aventure ou les petites joies du quotidien. Le manque rend disponible à ce cœur-à-cœur. Le Seigneur ne fait jamais de « prix de gros », Il ne connaît que le singulier. Faire l’expérience de son amour au quotidien, c’est rencontrer le mystère de notre être. En découvrant toujours plus ce mystère, nous nous préparons aussi à l’offrir à l’autre comme un don. On s’y laisse sculpter telle une colonne solide et belle pour tenir l’édifice d’un véritable mariage. Afin que le mariage soit une véritable alliance, il faut que se rencontrent deux êtres entiers et non deux moitiés d’êtres. Le célibat peut donc être ce temps où je m’unifie en vue de me donner et de recevoir l’amour.

TÉMOIGNAGE : « LES MAINS OUVERTES POUR RECEVOIR »
Pour recevoir le don de Dieu, il faut se rendre disponible et accepter de se laisser surprendre, c’est le témoignage de Mathilde, le lendemain de son mariage.

« J’en suis sûre. Dieu ne veut que combler les désirs qu’Il met dans notre cœur. Je me dis que les années à attendre Jean me font mesurer encore davantage la chance que j’ai de vivre un tel amour. Combien Dieu m’aime et me comble de façon parfaite au-delà de mes espérances. C’est ainsi qu’Il me fait comprendre de quel amour Il m’aime. Je pense que ce sont les fruits de l’attente et du désir : un bonheur encore plus immense vivifié par cette conscience si forte que c’est un don inouï. »

5 CLÉS POUR S’ÉPANOUIR DANS LE CÉLIBAT

1 Se connaître et s’aimer

La première personne à aimer, c’est vous-même. Non pas d’un amour narcissique reposant sur votre ego mais dans une acceptation pleine, entière, humble et joyeuse de ce que vous êtes avec vos ombres et lumières. En vous accordant cet amour, vous vous rendez disponible pour une vraie rencontre !

2 Identifier ses désirs

Quelles sont vos aspirations profondes ? Que souhaitez-vous faire de votre vie ? Quels sont les personnes, les couples, les sujets qui vous inspirent ? En écoutant vos désirs profonds – loin des attentes et projections extérieures –, vous vous reliez à votre cœur et trouvez le lieu de votre véritable fécondité.

3 Faire le tri

Ne vous faites pas voler ce temps de solitude ! Si cet espace est accaparé par d’autres : des engagements qui ne sont pas sources de joie, des relations qui vous pompent, il sera stérile. Ce n’est pas le moment ni de vous disperser pour remplir le vide, ni de vous replier sur vous-même. C’est un temps pour découvrir ce qui est source de vie et de joie au quotidien.

4 Vivre l’intimité

Grandir dans l’intimité commande un travail de croissance sur le plan psychologique et humain. Je ne peux accéder à l’intime que si je suis bien différencié (à l’opposé de la fusion et de la dépendance). Il s’agit de vivre le silence, le cœur-à-cœur avec Dieu, de me relier à ce lieu où
« je n’ai qu’un directeur le Christ » (d’après Mt 23, 10).

5 S’abandonner

L’abandon n’est pas une fuite du réel mais une mise en mouvement, j’accepte d’avancer sans connaître la destination exacte. Je me remets dans les mains de Dieu, confiant qu’il a un projet d’amour pour moi et que sa sagesse dépasse les calculs humains.

POUR ALLER PLUS LOIN

Claire de Saint Lager est la fondatrice d’Isha formation qui accompagne les femmes pour retrouver l’unité, rayonner et transmettre cette joie d’être femme. Elle est l’auteur de deux essais remarqués : La Voie de l’amoureuse (Artège, 2017) sur le féminin et Comme des colonnes sculptées sur l’attente et l’espérance quand le célibat se prolonge.

Comme des colonnes sculptées. Le célibat, un chemin d’espérance, Claire de Saint Lager, Éditions Emmanuel, 2020, 174 pages, 17 euros.

Laisser un commentaire